Devant lui, la plage déroulait son tapis safran sur des kilomètres. Il en va toujours ainsi avec les plages du Nord : elles semblent s'étaler à l'infini.
Il avait enlevé chaussures, chaussettes et remonté le bas de ses pantalons. S'étant avancé jusqu'au rivage, il regardait l'horizon. Le ciel était bleu, sans nuages. Le ciel était vide, sans oiseaux. Le ciel était immense : ses pensées s'y noyaient sans regrets.
Les vagues venaient mourir à ses pieds et l'eau de septembre était déjà froide. Pour se réchauffer, il décida de marcher le long de la grève, en évitant les dépôts d'écume comme le font les petits enfants qui, l'été, jouent sur le sable. Ses pieds blancs s'enfonçaient et laissaient une empreinte profonde. Mais, à chaque pas, une vague venait les enfoncer.
Il en regarda en arrière et vit que toutes les traces qu'il avait produites avaient déjà disparu. D'autres à sa place n'auraient pas relevé ce détail fugace, mais lui, justement, y voyait l'expression même de la vie : naissance rapide et mort définitive. Maintenant, il se rappelait ses lectures d'étudiant, et plus particulièrement ce fragment de Pétrone qui compare l'homme à une outre enflée de vent.
À sa montre huit heure étaient indiquées et il fallait songer à regagner le petit appartement du bord de mer. L'aimée allait se réveiller sans tarder. Il pressa le pas car il voulait la cueillir avant le saut du lit, un bouquet de roses à la main. Il l'embrasserait et la remercierait d'être à ses côtés. Alors il lui dirait, en le mimant d'un geste de la main, que c'est aussi "ça" la vie : une bulle d'air aux couleurs de l'arc-en-ciel qui danse dans le vent.